Tout est dans la nuance

Tout est dans la nuance

Les photomatons ratés de Nino Quincampoix dans Amélie poulain, les galets plats en forme de coeur d’une de mes anciennes collègues… malgré ces jolis exemples, le concept de collection m’angoisse et éveille en moi des images pour le moins caricaturales. Des images d’étagères croulant sous les surprises Kinder, de fèves de galettes des rois rangées soigneusement par thème dans des boîtes à chaussures, de bourses d’échanges de pin’s, d’une spirale d’accumulation plus ou moins maladive, d’une obsession de trouver *la* pièce manquante. Brrrr. Bien sûr, dans une autre gamme de prix, il y a aussi des collectionneurs d’objets d’art. Sauf qu’ils mettent généralement leurs acquisitions bien à l’abri (même des regards) dans des coffres. Une image caricaturale, donc, disais-je.

Tout ça pour dire ? Eh bien que l’autre jour, en regardant ce nuancier DMC des années 1960 (dire qu’avant de me le donner le mois dernier, mon père l’avait oublié dans un tiroir depuis des années !), je me suis surprise à envisager ce qui ressemble presque, de très loin, à une vague ébauche de collection. Mais alors juste une quasi-collection-pas-compulsive qui se constituerait au petit bonheur la chance des éléments les plus intéressants et les plus jolis. Et point trop dispendieux. Pas des nuanciers Pantone hors de prix et d’une technicité dont je n’en aurais pas l’usage, donc. {edit : hum, si maintenant, j’ai bien compris l’usage que je pourrais en avoir !}.

Cette presque-envie de collection (depuis longtemps latente, manifestement), m’aura même déjà rendue quasi-kleptomane. Quasi seulement parce que, on ne se refait pas, je me suis contentée de “voler” quelque chose de gratuit, mais il n’empêche. À une époque, dans le magasin de bricolage de la rue Rambuteau dont le nom se termine comme celui d’un magicien enchanteur, il y avait tout un mur de petits casiers contenant des échantillons de nuanciers en libre-service. Combien de fois, lorsque j’étais de passage dans le quartier, suis-je allée me planter devant ledit mur, arborant l’air concentré de celle qui réfléchit à la future couleur de son salon, avant de plonger les mains dans les petits casiers pour y piocher (généreusement) ? Plusieurs fois, et le salon est resté bêtement blanc depuis.

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En revanche, j’ai utilisé une partie des échantillons eux-mêmes pour transformer un morne-petit-meuble-à-tiroirs-Ikea en pimpant-petit-meuble-chamarré (toujours à tiroirs, évidemment. D’ailleurs je raffole des meubles pleins de tiroirs, Gaston Bachelard aurait bien des choses à dire à ce propos). Je voulais également égayer un peu les portes blanches du placard de notre couloir, mais j’aurais dû presque écluser mon stock, j’ai donc scanné un échantillon que j’ai dupliqué en modifiant les couleurs avant de tout imprimer. Et hop, un placard nuancier-isé. Je ne sais pas encore quel sera le prochain objet à subir le même sort, mais revenons à nos moutons et reparlons quasi-collection.

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Un exemple-type de ce qui me plairait : la photo ci-contre vient du site de la manufacture de Sèvres {lien brisé}. Même si je n’apprécie pas particulièrement les objets produits par cette vénérable institution (j’euphémise par respect pour la beauté des gestes qui ont permis leur fabrication), cette “palette”, palsambleu… Cette assiette-nuancier qui sert aux peintres à choisir les couleurs en fonction de leur rendu après cuisson, cet outil de travail utilisé par des artisans détenteurs d’un savoir-faire aussi rare que précieux, c’est tellement beau que c’en est émouvant. Et tellement rare que ça pourrait typiquement devenir pour ma quasi-collection L’objet Inaccessible, LA pièce éternellement manquante, mais je vous parie une fève collector en forme de Mickey rose que je saurai garder les pieds sur terre et que ça n’arrivera pas.

Evidemment, si d’aventure vous en trouviez une à 10 euros dans une brocante, prévenez-moi !