La Fille du Consul

La Fille du Consul

“Son père avait fini par y arriver. Il avait obtenu un poste au royaume du S***. Ses collègues n’avaient pas compris pourquoi il était si heureux de s’exiler en ces terres anonymes, lui dont la carrière semblait si prometteuse. Les années passant, au fil de ses voyages, les liens avec ses amis d’antan s’étaient distendus. Plus personne ne lui parlait plus de sa fille, de leur fille chérie, qu’ils avaient toujours aimée, sa femme et lui, d’un amour inconditionnel, et ce dès sa naissance, en dépit des regards apeurés autour d’eux. Certes, elle était un bébé peu ordinaire, mais tout le monde ne naît-il pas unique ? Elle était un bébé de feuilles, de mousses et de fleurs, une très jolie petite fille, d’ailleurs. Ils vivaient très heureux tous les trois, et auraient pu le rester. Ils avaient toujours voulu qu’elle vive comme les autres, mais en grandissant, elle avait fini par fuir tout contact avec le monde extérieur. Ce qui lui apparaissait comme un jeu était devenu un calvaire, fuir l’hiver, le terrible hiver (elle n’en avait vécu qu’un et refusait de repenser à cette agonie – note de l’auteur : la seule photo d’elle “avant” date d’ailleurs de l’automne qui a précédé ce funeste hiver, voir ci-dessus -), de pays chaud en pays chaud, de bateau en diligence, au gré des affectations paternelles. Et pourtant, il cherchait sans relâche…

C’est à la veille des 15 ans de sa fille qu’enfin, il avait reçu le courrier espéré depuis tant d’années. Un de ses contacts avait retrouvé la trace de la seule personne sur la planète qui pouvait l’aider, un très vieil homme, infiniment sage et vénérable, en dépit de l’apparente pauvreté sa cabane perdue au plus profond d’une forêt de ginkgo, en plein royaume du S***. Il y avait obtenu sans problème son affectation, et y était resté. Pendant plusieurs années, sa fille avait suivi les traitements prodigués par le vieil homme à qui elle rendait visite quotidiennement dans la forêt avant de revenir chez elle se reposer. Elle était d’une patience d’ange, et avait fini par se prendre d’affection pour la cuisinière de la maison, ancienne pâtissière du nom de Babette, qui la régalait de mets incongrus sous ces latitudes. Malheureusement, l’histoire finit par se perdre et n’a été complètement sauvé de l’oubli que par quelques témoignages indirects. Le vieil homme serait mort peu après avoir constaté la guérison totale de la jeune femme. Demeurée au royaume de S*** jusqu’à la mort de ses parents, elle a repris le flambeau. La fille du consul, devenue consul elle-même, a parcouru la planète, bravant volontiers les hivers les plus rudes à présent qu’elle en était capable. C’est en Norvège qu’elle a connu mon père.”

Extrait des Chroniques de ma famille, par Babette M***.

Lorsque j’ai découvert le blog de La Fille du Consul, j’ai tout de suite beaucoup aimé ce nom évocateur de toutes sortes d’histoires (et je n’ai pas aimé que le nom, j’apprécie aussi beaucoup sa façon de travailler la pâte polymère !). Je ne suis manifestement pas la seule que cela intrigue, puisque Delphine (non, pas Del4yo, une autre Delphine) a fini par lancer une invitation autour de son nom, demandant ce qu’il nous évoque. En y réfléchissant bien… et si la Fille du Consul n’était pas Delphine elle même mais une de ses aïeules, fille de diplomate à l’histoire rocambolesque ? (illustration déjà postée il y a quelques mois).

En vous souhaitant à tous d’excellentes fêtes de fin d’année !